Cette recherche permettra de mieux comprendre l'un des éléments essentiels des sociétés d'Ancien Régime: l'importante mobilité de milliers de personnes pratiquant le commerce de manière suivie (négociants, colporteurs, maquignons) ou épisodique (artisans, paysans). Il peut s'agir de brefs déplacements, de longs voyages ou d'émigration temporaire ou définitive.
L'exploitation de deux corpus (le premier portera sur tous les pays étudiés: Suisse, France, Grande-Bretagne, Allemagne et Italie du 16e au 18e siècle; le deuxième concernera quelques régions choisies en fonction de leur exemplarité, de leur originalité ou de la richesse des sources disponibles) permettra de répondre aux questions suivantes:
- Dans quelle mesure l'opposition entre nomades et sédentaires n'occulte-t-elle pas le fait que des milliers de personnes sont souvent et parfois presque constamment en déplacement sous l'Ancien Régime, bien qu'elles disposent généralement d'un lieu de résidence bien précis?
- Ces personnes appartiennent à des groupes obéissant à des logiques économiques multiples et parfois contradictoires: négociants, fabriquants ou artisans, colporteurs, transporteurs, contrebandiers, membres de diasporas (Savoyards, Huguenots, Juifs,...), paysans ou marchands de denrées agricoles etc. Peut-on décrire les différentes manières de se déplacer (moyens de transport et d'hébergement, distances parcourues, choix des itinéraires etc.) de ces groupes de personnes (différenciation sociale)?
- Les modes de déplacement varient aussi suivant les régions parcourues: les conditions géographiques physiques, l'état des voies de communication, les moyens de transports disponibles, les péages, la densité de l'habitat etc. diffèrent fortement. Peut-on expliquer comment la manière de se déplacer varie en fonction des différences régionales (différenciation spatiale)?
- Quel est l'effet des conjonctures sur la mobilité?
- Les périodes de guerre et d'insécurité l'inhibent-elle totalement?
- Les périodes de croissance démographique et de "bons" prix entraînent-elles automatiquement une multiplication des personnes en déplacement, ou certaines voyagent-elles alors sur de plus longues distances, alors que d'autres deviennent plus sédentaires?
En répondant à ces diverses questions et à d'autres, qui surgiront au fur et à mesure de l'avancement de la recherche, le projet permettra de comparer la Suisse – mosaïque d'Etats sans grandes ressources naturelles situés dans une Europe intérieure isolée des mers, mais parcourue par de nombreux commerçants – à d'autres régions plus ouvertes sur les océans ou plus riches. Le projet permettra aussi de mieux comprendre un phénomène qui concerne de plus en plus les Européens et les habitants du monde entier: la mobilité, parfois librement choisie, plus souvent imposée dans des circonstances parfois dramatiques.
