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Towards a "spiritualisation" of ecology? A sociological analysis of new forms of mediations of ecological questions in Switzerland

Ref. 13091

Allgemeine Beschreibung

Periode

2018

Geographischer Raum

Zusätzliche geographische Informationen

French & German-speaking part of Switzerland

Kurzbeschreibung

The background of this research project is the current observation in Switzerland about, firstly, a progressive «spiritualisation» of discourses on ecology and the emergence of new actors, events and cultural productions mixing up spiritual and environmental arguments. Secondly, religious and spiritual actions are increasingly oriented towards «ecological» arguments and give rise to new forms of collaborations within civil society. This projects aims at documenting this double process and questioning its consequences at different levels, such as the changing separation between religion and the secular. It focuses on the mediations and mediators of the process by approaching them at three levels: individual, institutional and social-cultural.

Resultate

Partant d’études précédentes ayant mis en lumière l’intérêt croissant en Suisse pour les questions écologiques depuis le début du siècle et ses nuances linguistiques, cette recherche a démontré une accélération de la mobilisation et confirmé la spécificité des contextes linguistiques et régionaux. Dans les années 1970, des groupes alternatifs proposaient depuis les marges de l’écologisme une vision holistique du monde - en opposition à la vision dualiste – imaginant donc un système de correspondances entre êtres humains, nature et «cosmos». Plus récemment, des publications en français notamment féministes ou portant sur l’anthroposophie discutant une approche sensible, voire spirituelle, à l’écologie rencontrent un vif intérêt. L’on observe un processus de sécularisation ainsi qu’un lent «tournant spirituel» dans le domaine écologique résultant dans une très grande variété d’approches. Selon nos analyses des données de l’enquête MosaiCH, la Suisse Romande compte davantage de personnes s’identifiant comme spirituelles mais pas religieuses. Ici, un milieu d’écologistes de gauche, non affilié à une tradition religieuse, affiche une ouverture envers des discours et pratiques «spirituelles». Un stock de connaissances et de pratiques «spirituelles», enchevêtrées avec d'autres registres d'action, tels la santé, le genre et la science, se développe à travers des événements écologiques, des festivals, des publications, des ateliers et des réunions publiques. Un souci éthique pour les humains et la nature s’y exprime. Le registre spirituel permet d'ouvrir une vision utopique pour une société future où prévaudraient les valeurs anticapitalistes de bienveillance, de non-violence, d’égalité, de durabilité et de fluidité. Nous appelons cette forme sociale du religieux une «spiritualité subtile», dans le sens où elle est adaptable, ne prime pas comme facteur identitaire et favorise la durabilité. Par notre analyse nous avons identifié les différents moments de ce parcours vers une spiritualisation de l’engagement écologique, et de là, à l’expression publique de cette approche spirituelle. Nous avons exploré les déclenchements de ce processus dans les biographies. Les répondants évoquent souvent avoir déjà développé une sensibilité durant leur socialisation primaire et secondaire, et ensuite connu une accélération et concrétisation de cette sensibilité après 2000, voire 2010, autour d’événements écologiques majeurs ou biographiques. Ce qui est thématisé comme une prédisposition trouve des moyens de se transformer en actions plus concrètes avec des possibilités qui émergent après 2000. Ces acteurs peuvent être subdivisés, grossièrement, en deux ensembles : les personnes qui spiritualisent l’écologie (les écologistes spiritualisant) et celles qui spiritualisent la nature (les spirituel-le-s écologisant). Pour les dernier-ère-s, la spiritualité est vécue sur un plan plus individuel et personnel (écogestes, écorituels), alors que pour les autres il s’agit d’un engagement largement publicisé, politique et économique (collectif), il s’agit là d’«entrepreneurs moraux». L’analyse a montré que le lien aux institutions de référence (scientifiques, culturelles, et de certifications (agro)écologiques) joue un rôle majeur. D’une part, les écologistes spiritualisant soulignent l’importance de la qualité académique ou reconnue (ONG diverses) de leur rôle professionnel, un rôle se trouvant au centre de ces institutions (écoles, office fédéral de l’environnement). De l’autre, les spirituel-le-s écologisant racontent leur passage au sein de ces mêmes institutions (diplomatie, banques, organisations internationales) tout en expliquant les raisons qui les ont amené-e-s à les quitter pour gagner une indépendance pour leur activité. Afin de répondre à l’hypothèse A), nous avons repéré quand l’articulation entre engagement écologique et spirituel est considérée comme nécessaire afin de répondre aux défis environnementaux. Les facteurs évoqués lors des entretiens et sur le terrain sont très nombreux, nous en avons isolé 3 principaux : un registre sociétal qui s’exprime par une critique macro-sociale d’un «système destructeur», tel «le patriarcat», la société de consommation, un registre collectif impliquant un travail commun pour faire face au changement climatique, tout en déplorant le manque de collectivisation et les tensions existantes entre activistes et un registre individuel évoqué exclusivement par les femmes interviewées qui se sentent impuissantes face à la quantité d’informations ou à l’ampleur du défi écologique, dans le passage de la pensée à l’action, et aux égos de nombre de militant-e-s. Les répondant-e-s espèrent que l’éco-spiritualité freine l’individualisme inutile face à une si grande tâche, la colère, la difficulté de passer de la pensée à l’action et les problèmes d’égo pour sortir de l’impasse du deuil venant du constat du désastre écologique causé par l’action humaine. Les personnes médiatrices se réfèrent à de nombreuses autres personnes ou organisations. Elles mettent le poste qu’elles occupent en lien avec différents acteurs institutionnels et naviguent entre différents milieux et groupes (institutionnels, militants, de spiritualités contemporaines). Cette observation répond à notre question principale en montrant comment ces personnes brouillent les frontières conventionnelles entre religieux et séculier. Parmi elles, certaines s’inscrivent à l’international en mobilisant des groupes, réseaux ou acteurs cosmopolites (surtout dans les mêmes aires linguistiques), tandis que d’autres sont plutôt inscrites au niveau national (souvent délimité par la langue). Celles-ci tentent de faire le pont entre les initiatives locales individuelles ou collectives à petite échelle. On observe encore des personnes isolées se situant aux marges du réseau identifié. Ce sont principalement des personnes pratiquant des nouvelles spiritualités contemporaines, les spirituel-le-s écologisant. L’analyse a montré la densité du réseau identifié en Suisse Romande, avec les personnes se citant et se mentionnant entre elles. Ce réseau est multi-scalaire, présentant des ramifications à la fois internationales (par aires linguistiques) et locales en reliant différents milieux (politiques, académiques, religieux institutionnels, nouvelles spiritualités) grâce notamment à des figures médiatrices naviguant et faisant des liens entre ces derniers. Nous avons identifié deux principaux types de spiritualités promues par les écologistes spiritualisant : 1) la transition intérieure/l’écopsychologie (centrée sur l’individu), 2) l’écospiritualité et l’écologie profonde (centrée sur la relation à la Nature). Chez les spirituel-le-s écologiques, on peut distinguer 1) la construction de «traditions de la nature» (animisme, néo-chamanisme/néo-paganisme), 2) une pensée millénariste (New Age, technophile et centrée sur l’évolution individuelle et sociétale). Les pratiques spirituelles présentes en Suisse Romande comme en Suisse alémanique sont très hétéroclites (yoga, méditation, médecines alternatives, rituels d’inspiration védique ou néo-chamanique, astrologie, permaculture, construction durable, énergies renouvelables, recyclage, «jardins collectifs», «écovillages et communautés», «écoles survivalistes» etc.). Le point de rencontre de ces activistes est le partage d’une vision holistique du monde. La web-ethnographie de sites Suisse alémaniques a clairement tracé la mention d’un lien à la fois physique et immatériel avec la nature: une connexion sensible (voir spirituelle) à la nature permettrait de prendre physiquement soin de l’environnement. La reconnaissance de ce lien entre l’être humain et l’environnement prend une forme particulière quand il s’agit d’une relation avec la planète prise dans son ensemble. On assiste à une humanisation de la Terre qui s’illustre p.ex. dans la métaphore genrée de la Mère-Terre à qui une conscience est attribuée. Les activistes se veulent à l’écoute de la Terre et parlent de sa santé ou de ses besoins. Les observations directes faites notamment en Suisse Romande nous ont permis de constater comment cette vision permet un passage aisé entre le niveau intime (microcosme) et le niveau distant (macrocosme). La transformation des grands principes et des points de vue universels en pratiques concrètes est facilitée, puisque le niveau intermédiaire - culturel et institutionnel - est rarement articulé. Cette observation répond à notre hypothèse B), ce recours à une spiritualité holistique est une manière de réduire la «complexité des questions écologiques». De plus, tous les acteurs observés lors du travail de terrain soulignent l’importance de la transmission de leur approche, lui attribuant un caractère quasiment sacré. Ils se présentent comme des protagonistes d’une lignée écospirituelle, essentielle pour la sauvegarde de la «nature». Ces observations répondent à notre hypothèse C) du changement de rapport à la «nature». Dans ce rapport humain-nature, différentes manières de se référer à la «nature» débouchent sur des stratégies ou performances distinctes. Nous en avons identifié quatre grands types suivant lesquels la nature est 1) évoquée pour marquer une frontière, une opposition structurelle (par ex. Occident vs. Orient/peuples premiers, rural vs. urbain) ; 2) insérée dans un réseau d’analogies où elle reflète, comme un caméléon, le corps, l’intériorité ou des principes de genre humains ; 3) vécue de manière (supra)sensible, devenant ainsi un espace d’expérimentation et de validation sur l’existence d’entités et de croyances métaphysiques (le monde, esprits, énergies, etc.) ou 4) perçue comme une catégorie réflexive complexe, un principe unificateur méta. Pour ce qui est du religieux institué (Eglises réformées et catholiques), nous avons observé une prise de conscience dans les années 1970 déjà, conduisant au processus oecuménique international «Justice, paix et sauvegarde de la Création» (1983). Un fruit de cette réflexion est la création de l’oeuvre oecuménique Oeku-oeco «Eglise en environnement» en 1986 à Berne qui se fait connaître par le lancement d’une pétition pour le climat en 1997. En Suisse alémanique, la théologie et la liturgie prennent rapidement en compte cette dimension écologique. En Suisse romande, la sensibilité oecuménique se manifeste surtout par les actions des Eglises dans les pays du Sud. Sur le plan concret ce n’est qu’en 2009 que des Eglises cantonales (en Argovie) mettent en place des directives de responsabilité écologique. Depuis nous avons observé plusieurs initiatives locales, dont l’adoption d’une charte de justice climatique par une paroisse protestante à Genève, l’organisation de jardins partagés par une communauté méthodiste à Saint-Imier, ou l’adoption d’un standard minergie par une paroisse catholique à Romanshorn. Elles se sont heurtées à un plafond de verre institutionnel les empêchant de favoriser la mise en place de directives écologiques cantonales. Un tournant décisif de la prise de conscience écologique des Eglises surgit avec la grève du climat des jeunes dès 2018 ainsi que le rôle majeur que prennent les oeuvres dépendantes des Eglises, comme PPP/Action de carême pour sensibiliser le public aux problèmes écologiques dans une perspective à la croisée entre le politique, le religieux et le milieu des spiritualités contemporaines. L’étude de cas des vignobles suisses fournit un terrain de contraste aux observations sur les réseaux urbains et chrétiens promouvant des écologies spirituelles ou des spiritualités écologiques. À travers le phénomène d’une popularisation de l’agriculture biodynamique – inspirée des conférences ésotériques de Rudolf Steiner et du mouvement anthroposophique –, nous avons documenté la spiritualisation de l’agroécologie. Depuis la fin des années 1990, un premier mouvement de vignerons appellent à des expérimentations holistiques au-delà de l’agriculture biologique commune, afin de prendre soin de leurs vignobles. Ce n’est toutefois que dans les années 2010 que ces agronomies alternatives, deviennent emblématiques d’une agronomie à la fois sensible, créative, centrée sur le praticien, et fournissant une philosophie du végétal alternative en phase avec les nouvelles visions de la «nature» et de l’interface environnement/société. Ce mouvement pour la biodynamie correspond à l’irruption dans les cultures populaires de nouveaux produits de consommation dont la valeur se fonde sur une articulation entre spiritualité et écologie. Ce mouvement promeut également des formes d’attention et de sensibilité qui se médiatisent à travers l’expérience du corps, ainsi que dans le déploiement de nouvelles esthétiques environnementales et gustatives.