Les résultats de cette recherche mettent en évidence que le suicide d’un patient/client engendre toute une série de conséquences, tant au niveau individuel (impact émotionnel), que professionnel (impact sur les pratiques professionnelles).
Au niveau émotionnel, l’intensité de l’impact s’est révélée être modérée pour la majorité des répondants. Les réactions émotionnelles les plus importantes sont le choc, l’impuissance et la tristesse, alors que parmi les réactions de stress, les symptômes d’intrusion sont nettement plus importants que les symptômes d’évitement ou d’hyperactivité neurovégétative. Les professionnels les plus affectés sont globalement ceux qui ont entretenu une relation proche avec la personne suicidée, ceux qui ont reçu le moins de soutien ainsi que ceux qui étaient les moins âgés. Seule une minorité de professionnels ont ressenti un impact émotionnel élevé.
Le suicide a eu également un impact au niveau du vécu professionnel. Globalement, le suicide a engendré, d’une part, une sensibilité accrue, bien que modérée, aux indices du risque suicidaire (au moment du suicide et au moment de l’enquête) et, d’autre part, davantage d’anxiété à travailler avec des personnes suicidaires (au moment du suicide). Ce sont surtout les femmes et les professionnels particulièrement attachés au patient/client et ceux dont le patient/client s’est suicidé au sein de l’institution ou dans ses environs immédiats qui ont été concernés par des réactions plus importantes au niveau du vécu professionnel.
Les pratiques professionnelles ont également été infléchies à la suite du suicide par un intérêt plus grand à l’égard de la problématique du suicide, des hospitalisations plus fréquentes de sujets à risque, davantage de précautions dans les prises en charge et davantage de consultations de collègues. Une plus grande sensibilité aux aspects légaux de la pratique a par ailleurs été relevée chez les professionnels porteurs d’une responsabilité particulière dans la prise en charge du patient/client. Ces changements perdurent au moment de l’étude. Tout en étant une expérience bouleversante, le suicide peut également se transformer en une opportunité d’apprentissage et de maturation, tant personnelle que professionnelle, comme l’indiquent les réponses qualitatives des questions semi-ouvertes.
Plus des 2/3 des répondants (78%) de cette étude affirment avoir reçu suffisamment de soutien pour faire face au suicide d’un patient/client et sont globalement plutôt satisfaits du soutien reçu. Pendant le premier mois qui suit le suicide, ce soutien est apporté surtout par des personnes appartenant au milieu professionnel (collègues, superviseurs, responsables hiérarchiques). Les professionnels ayant assumé une responsabilité particulière pour le patient/client, ceux proches émotionnellement de ce dernier, ainsi que ceux confrontés au suicide au sein de l’institution ou dans ses environs, ont reçu un soutien plus important tant au niveau de l’intensité que de la variété (diversification des soutiens). Par contre, les professionnels confrontés à un seul suicide ont reçu moins de soutien ainsi qu’un soutien moins diversifié. Ce sont donc les personnes les plus affectées (cf. supra impact émotionnel) qui reçoivent le soutien le plus intense, puisque les mêmes facteurs prédictifs se retrouvent dans les deux cas. Toutefois, presque ¼ des répondants ne s’est pas senti suffisamment soutenu.
Interrogés sur les démarches adoptées à la suite du suicide, les professionnels ont affirmé que les démarches les plus courantes sont les contacts avec l’entourage de la personne suicidée et les échanges avec les autres patients/clients. Ces deux démarches sont perçues comme aidantes pour faire face au suicide au niveau personnel. En ce qui concerne les mesures de soutien proposées aux professionnels, les plus fréquentes sont les échanges au sein des équipes et avec les superviseurs ainsi que l’analyse critique du suivi du patient/client. Globalement les professionnels ne se sont pas sentis jugés négativement, tant par leurs collègues, que par leurs supérieurs hiérarchiques ou leur famille.