Depuis un quart de siècle, l'éducation musicale dans les écoles primaires de Suisse romande est profondément marquée par le moyen d'enseignement officiel "A vous la musique". En effet, ce support, publié par la Commission romande des moyens d'enseignement (COROME), est distribué depuis 1976 dans les classes 1 à 4 (les derniers tomes - pour les degrés 5 et 6 - ont paru après, à quelques années d'intervalle). Face à cette quasi-homogénéité des moyens - il n'y a actuellement que Vaud qui n'utilise pas officiellement "A vous la musique", alors que Fribourg l'introduit progressivement - la recherche décrite ici, menée dans le cadre d'un stage de recherche à l'IRDP, s'intéresse aux décalages entre le discours officiel et le discours des praticien-ne-s généralistes de premier année primaire. Il s'agissait de trouver, au moyen d'une enquête écrite, des réponses à des questions telles que: La méthode est-elle vraiment utilisée par les praticien-ne-s? Parmi les modules proposés (audition, chant, intonation rythme, etc.) y en a-t-il qui sont préférés aux autres? Les moyens sont-ils encore d'actualité? Comment est organisé l'enseignement de la musique en classe? Comment est perçue l'éducation musicale dans le curriculum scolaire? Les résultats font apparaître de nombreux décalages entre les discours officiels et la réalité. D'abord, force est de constater que la place réservée à la musique dans les programmes d'études et l'ambition des auteurs du moyen sont simplement incompatibles. Cette situation risque encore de se détériorer avec la mise en place du nouveau plan d'étude cadre romand, qui regroupera les disciplines telles que le dessin, les activités créatrices, la musique, le chant en une branche appelée "éducation artistique". Il faut constater que le statut de la musique à l'école est tout autre que clair. Est-ce une branche scolaire à part entière, est-ce un moment de détente entre les choses sérieuses? Tout de même, "A vous la musique" est utilisé: 49% des enseignants disent y recourir souvent, 29% le font de temps en temps. Il existe pourtant de grandes divergences entre les cantons: si les enseignants des cantons de Neuchâtel, Valais et Fribourg semblent être des utilisateurs fréquents, à Genève aucun des enseignants interrogés n'utilise ce moyen officiel. Partout toutefois, beaucoup d'enseignants s'avouent dépassés par les notions abordées, même en première primaire; ils soutiennent qu'il s'agit d'un moyen inabordable pour un praticien non musicien. D'autres répondants critiquent des aspects tels le manque d'ouverture du moyen (il n'offrirait pas suffisamment d'autonomie, ni aux maîtres ni aux apprenants) ou l'absence de prise en compte de la multiculturalité, caractéristique marquante des publics scolaires d'aujourd'hui.
