Propriété foncière et aménagement durable du territoire. Les stratégies politiques et foncières des grands propriétaires fonciers collectifs en Suisse et leurs effets sur la durabilité des usages du sol

Ref. 8324

General description

Period

1990 - 2009

Geographical Area

-

Additional Geographical Information​

Suisse + 4 études de cas régionales (Stade de la Maladière à Neuchâtel, Centre Boujean à Bienne, Place d'arme de Thoune, Quartier du Wankdorf à Berne)

Abstract

Le présent projet s'inscrit dans la problématique générale des impacts de la propriété foncière sur les processus d'aménagement du territoire et, au-delà, sur la durabilité des usages effectifs du sol par les grands propriétaires fonciers collectifs. En effet, au-delà de l'influence, pour ainsi dire mécaniques, des frontières du parcellaire, ce sont l'ensemble des enjeux (économiques) des rapports de propriété se jouant sur les marchés fonciers qui pèsent, souvent d'une manière déterminante, sur les opérations de zonage menées dans le cadre de la réalisation des plans d'affectation. A tel point, que les propriétaires fonciers constituent toujours les acteurs déterminant dans les processus de délimitation et de définition des affectations, comme des usages effectifs du sol. L'objectif central de ce projet de recherche consiste à analyser le rôle des grands propriétaires fonciers et des stratégies - aussi bien politiques que proprement foncières - qu'ils développent en vue de la valorisation de leur patrimoine, dans le cadre des processus de choix en matières d'affectation et d'usage du sol. Nous émettons ainsi explicitement l'hypothèse qu'il existe, pour un espace donné, un lien de causalité susceptible d'être clairement établi, et dont l'analyse relève d'un très grand intérêt pour qui veut comprendre les processus d'aménagement du territoire, entre les différentes variables suivantes : (1) la structure de distribution de la propriété foncière dans cet espace donné ; (2) les objectifs et/ou les projets concrets d'aménagement poursuivis par les acteurs responsables de la mise en œuvre de la politique d'aménagement du territoire (services de l'aménagement du territoire, communes, bureaux privés, etc.) ; (3) l'" identité " socio-juridique, ainsi que les règles décisionnelles internes relatives à la gestion du patrimoine foncier et immobilier, des principaux propriétaires fonciers collectifs (caisses de pension, banques, assurances, sociétés immobilières, Etat et autres collectivités publiques, sociétés commerciales et industrielles, fondations, associations de protection de la nature, de l'environnement et du patrimoine bâti, etc.) ayant des intérêts fonciers et/ou immobiliers dans ce même espace ; (4) les stratégies (politiques et/ou foncières) développées par ces mêmes propriétaires afin de peser sur les choix relatifs à la définition des zones et à l'affectation du sol ; 5) les choix effectivement arrêtés concernant le zonage et l'affectation du sol ; (6) les usages (stratégiques) effectifs de leur bien-fonds par les propriétaires fonciers ; et finalement, (7) les effets en termes de durabilité de la réalisation de ces usages. La concrétisation de ce design de recherche implique la réalisation des enquêtes empiriques suivantes : (1) une analyse des différentes formes juridiques d'organisation des grands propriétaires collectifs existant dans le droit suisse (notamment code civil et code des obligations); (2) la réalisation d'une dizaine de monographies des plus grands propriétaires fonciers collectifs du pays permettant d'analyser leur fonctionnement interne (notamment les processus décisionnels), ainsi que de repérer les principes fondamentaux de leurs stratégies politiques et foncières ; (3) pour chacun des propriétaires retenus, un travail de repérage systématique des principales opérations (politiques, foncières et/ou d'aménagement) dans lesquelles ils ont été directement impliqués durant les 5 à 10 dernières années ; et ceci si possible dans les trois différentes zones d'aménagement de la LAT (zone à bâtir, zone agricole, zone protégée), respectivement dans des conflits portant sur la redéfinition de zones d'aménagement (classement-déclassement) ; (4) un travail d'identification et de conceptualisation d'un nombre limité de configurations typiques mettant en présence dans chacune des zones d'aménagement, le plus grand nombre possible de ces principaux propriétaires collectifs retenus s'activant autour d'enjeux spécifiques à la zone d'aménagement, respectivement à sa réaffectation ; finalement (5) la réalisation de quatre études de cas approfondies analysant dans le détail le déroulement effectif des opérations/actions collectives (politiques, foncières et/ou d'aménagement) menées en lien avec l'aménagement et les usages d'un périmètre spatial défini. Finalement, sur la base des enseignements théoriques et empiriques produits, des recommandations seront faites aux différents propriétaires concernant les possibilités de d'améliorer la durabilité (écologique, sociale et économique) de la gestion de leur patrimoine foncier et/ou immobilier.

Results

1) Description fine des stratégies politiques et foncières et description approchée du patrimoine foncier et immobilier d'une dizaine des plus importants propriétaires fonciers et immobiliers du pays: DDPS (armasuisse), CFF, cantons, communes, bourgeoisies, sociétés immobilières, fonds de placement immobilier et fondations de placement, caisses de pensions, banques, compagnies d'assurances, commerces de détail (Migros, Coop). 2) Mise en lumière d'un processus profond touchant aussi bien les propriétaires privés que publics de transformation des rapports à la propriété suite au phénomènes de financiarisation du secteur foncier et immobilier et de montée en puissance de la titrisation de la propriété immobilière impliquant tendanciellement: une fragmentation de la propriété, une montée en puissance des acteurs intermédiaires, un allongement de la chaîne décisionnelle, une anonymisation de la propriété, une dilution des responsabilités des différents acteurs de la chaîne de production de la valeur foncière et immobilière, ainsi que, finalement, une montée en puissance des ratings dans le secteur foncier et immobilier. 3) Analyse approfondie de ces stratégies politiques et foncières en action dans quatre processus d'aménagement plus particuliers: le complexe immobilier de « La Maladière » à Neuchâtel, le pôle de développement économique du Wankdorf à Berne, le « Centre Boujean » à Bienne, la réaffectation de la place d’armes de Thoune. 4) Mise en lumière d'une redéfinition profonde du rôle de l'Etat et des acteurs publics dans les processus d'aménagement (passage du référentiel de la planification à celui du "projet"), la montée en puissance des partenariats public-privé, une semi-privatisation des processus d'aménagement des portions centrales des zones urbaines; ceci notamment en raison de la très faible maîtrise foncière publique dans les espaces urbains. 5) Rapport très différencié des différents types de propriétaires à la temporalité de la mise en valeur de leur patrimoine. Tendance des acteurs publics ou para-publics (Bourgeoisie) à se projeter dans le long terme, au contraire des acteurs économiques. Les processus d'aménagement les plus durable sont (1) ceux qui ne focalisent pas sur une mise en valeur rapide et à court terme et/ou (2) ceux qui sont capables de canaliser les (demandes d') investissement des gros investisseurs (privés ou institutionnels) dans des projets de développement et d'aménagement développés sur la base de critères de durabilité à long terme cautionnés ou encouragés par les acteurs publics. 6) On observe dans l'ensemble des monographies et des études de cas le rôle très important de la diffusion des critères de durabilité auprès de l'ensemble des acteurs du secteur. On assiste donc certainement à un accroissement généralisé de la durabilité à l'échelle des projets architecturaux, mais cependant malheureusement beaucoup moins fréquemment à l'échelle plus large du quartier, voire de l'agglomération. Les différents cas analysés montrent ainsi bien comment il est en effet beaucoup plus simple d'améliorer la durabilité des projets à l'échelle des bâtiments plutôt qu'à l'échelle (tout aussi, voire plus importante) du quartier ou de l'agglomération.