L'objet de cette thèse est une étude comparée entre le mouvement féministe suisse, fondé à la fin du siècle dernier, et le nouveau mouvement, apparu dans les années 1970.
Le mouvement féministe traditionnel plaçait dans l'éducation l'espoir d'un changement profond de la condition juridique, sociale et économique des femmes. L'éducation devait permettre l'avènement d'une femme nouvelle, une femme capable de remplir avec compétence ses rôles de mère, d'épouse, de citoyenne et, éventuellement, de travailleuse. Un enseignement pratique tel que l'éducation ménagère, un enseignement moral tel que l'éducation aux responsabilités sociales, l'éducation civique et, enfin, la formation professionnelle devaient permettre à la femme, dans l'idée du mouvement initial, de remplir adéquatement, c'est-à-dire dans l'optique d'une complémentarité entre le masculin et le féminin, ses différents rôles. La femme nouvelle était une vision d'avenir.
Dans le néoféminisme des années 1970 et 1980, la valeur attribuée à la notion du "devenir" change. Dans le crédo du néoféminisme: "On ne naît pas femme, on le devient", le verbe "devenir" se péjore: la femme ne serait que le produit d'un processus de socialisation dont les effets sont, bien sûr, désastreux. Il ne s'agit pas d'éduquer, mais de libérer les femmes de l'oppression qu'elles subissent par l'obligation de se conformer à des rôles dénoncés comme figés.
Alors que le mouvement initial, aspirant à une "femme nouvelle", fondait son action sur la certitude que le sens de l'histoire lui était favorable, le nouveau mouvement, lui, doute que le Progrès soit nécessairement de son côté. Parallèlement à la valorisation négative du "devenir", la recherche de l'identité féminine du nouveau mouvement contraint à une paradoxale et radicale "remontée aux origines", comme en témoigne l'expression "réinventer le féminin", souvent utilisée dans les années 70.